09/07/2025 reseauinternational.net  20min #283642

La conquête sauvage de l'Algérie : Le Devoir d'inventaire

par Chems Eddine Chitour

Résumé

Cette phrase résume à elle seule la tragédie de la colonisation. En réponse au négationnisme des «nostalgériques» quant à la clochardisation de la société algérienne, pour reprendre une expression de Germaine Tillon, nous voulons dans cette contribution, rapporter en honnête courtier, montrer que la colonisation française ne fut pas un long fleuve tranquille. Il y a 195 ans un beau matin de juillet, en effet, la France envahissait l'Algérie pour des raisons honteusement matérielles, le but étant de sauver la royauté avec le trésor de la Régence entreposé à la Casbah et évalué à 25 milliards d'euros de 2001 pour Pierre Pean.

Ainsi, pendant 132 ans, la politique du sabre et du goupillon n'a cessé de terrasser le peuple algérien. Comment résumer, 132 ans de malheur de déni de personnalité de violences de meurtres et contribuer au récit du Livre noir de l'invasion coloniale pour imposer, après une lutte sans merci, une colonisation sans état d'âme qui se décline par une dépossession, la colonisation voulant effacer l'identité culturelle et religieuse. Tout commence avec le parjure de l'envahisseur de Bourmont responsable de l'invasion qui promettait aux Algériens qu'il ne toucherait pas aux mœurs, aux coutumes à leur religion.

Ce parjure fut traduit dès le mois de septembre 1830 par le maréchal Clauzel par le rattachement des biens habous à l'administration, tarissant du même coup, les sources de financement des centaines d'écoles vivant de l'usufruit des fondations pieuses. Alexis de Tocqueville, à la tête d'une commission d'enquête, déclarait : «Autour de nous les lumières sont éteintes». La colonisation, avec l'aide de l'église, voulait, une fois arraché la gangue de l'islam, faire retrouver aux Algériens l'âme chrétienne, qu'ils avaient quatorze siècles plus tôt. Ceci a permis au Cardinal Lavigerie de déclarer : «Vous parlerez la langue des gens ; vous mangerez leur nourriture ; vous porterez leur habit, la gandoura, le burnous et la chéchia, avec un rosaire en sautoir». Cette façon de faire avait pour but de créer une confusion dans l'imaginaire des Algériens, en vain, les Algériens, plus que jamais, tenaient à leur religion.

Le devoir d'inventaire sans haine ni passion

C'est une gageure que de résumer 132 ans d'assassinat de masses, par des envahisseurs qui pensaient être dans leur bon droit celui de civiliser des sauvages, 132 ans de colonisation où l'Algérien devait devenir une poussière d'individu une fois, que tout son monde sera détruit ses équilibres sociologiques combattus à la fois par le sabre et par le goupillon Ce récit a, cependant, a pour ambition de faire l'inventaire de 132 ans de rapines, de meurtres nous l'articulerons en quatre parties : l'invasion sanguinaire des hordes de l'armée d'Afrique qui dura près de 40 ans, Tout au long des 132 ans, le pouvoir colonial utilisa toutes les techniques de meurtre de masses, allant des enfumades au napalm, au gazage des grottes. Cela ne suffit pas ; les Algériens furent contraints d'aller guerroyer en participant en première ligne aux huit guerres pour défendre la «mère patrie» en payant le prix du sang.

Ce fut ensuite la dépossession avec la loi Warnier déposséda les Algériens de leur terre au profit des nouveaux occupants français mais aussi espagnols, italiens, maltais qui avaient, à des degrés divers, une vie ratée derrière eux. Ce sera l'avènement pendant près de soixante-dix ans de l'indigénat qui perdura jusqu'aux années quarante Ce fut parallèlement, d'une façon méthodique, le vol de tout ce qui fait l'identité matérielle de l'Algérie à travers le hold-up des documents, des pièces archéologiques. C'est encore la description du pillage des ressources agricoles, minières et énergétiques qui ont permis le prolongation de la guerre à partir de 1958.

C'est ensuite la volonté délibérée et concrétisée de mettre en place l'analphabétisme de 90% des Algériens. En 132 ans la France a formé moins de 1500 Algériens, naturellement uniquement dans les sciences sociales et médicales Le pillage de la matière grise post-indépendance, c'est-à-dire des compétences qui ont demandé des sacrifices importants à l'État et qui se retrouvent du jour au lendemain aspirés vers la France  ; Cette même France qui est bien contente que l'Algérie contribue à la francophonie sans en faire partie du fait de sa dimension coloniale. Il n'empêche ! Près de 300 millions d'Algériens formés en soixante ans parlent à des degrés divers le français. Si la France veut sauver la langue française, il serait moral d'ouvrir le dossier de cette dette de la France, dans le cadre justement du devoir d'inventaire

La conquête sanguinaire et sans état d'âme

la conquête fut brutale et sanguinaire avec la politique du talon de fer du sabre, et avant celle du goupillon, ce fut la curée, imaginez la Casbah, dont le trésor fut évalué à plus de 200 millions de francs or, pillé par une armée où chacun eut sa part proportionnellement à son grade. Tout fut bon pour être arraché à ses propriétaires, une nuée d'agioteurs mit en coupe réglée, une Algérie ouverte à tous vents. On dit que le maréchal Clauzel voulut, en vain, démonter l'arc de Triomphe de Djemila et l'envoyer à Paris enrichir le patrimoine. Ce fait est symptomatique de tout le butin que renferment les musées de France et de Navarre qu'il faudra bien un jour restituer au même titre que les restes mortuaires, notamment des crânes des patriotes algériens, tels que Boubaghla, qui font l'objet d'un voyeurisme malsain.

Les os des cadavres algériens, pour produire du pain en France !

Dès les premières années de la colonisation française, des travaux furent entrepris entraînent la destruction systématique de cimetières musulmans. Les ossements humains, exhumés auraient été expédiés à Marseille, pour être utilisés dans la fabrication du sucre. L'historien Moulay Belhamissi écrit : «Pour du noir animal... les ossements récupérés des cimetières musulmans sont expédiés à Marseille. Le docteur Ségaud précisait... «certains venaient d'être déterrés récemment et n'étaient pas entièrement privés de parties charnues»». (1), (2)

Dans le même ordre Xavier Le Clerc, sur France Inter, déclare : «Au XIXe siècle, les Français mettaient des ossements humains pour produire du charbon «animal» pour blanchir le sucre, une pratique que l'Émir Abdelkader jugeait cannibale et interdisait. Les résidus de ce procédé deviennent de l'engrais qui sert à produire du blé en France», le corps des colonisés nourrissant la métropole. 1

«En 1837, le prix du kilo d'os brut passe de 2 F à 14 F en cinq ans Un calcul portant sur 10 000 squelettes algériens avec une masse totale d'os engrais soit à 150 kg/hectare. Cela fait près de 2200 tonnes de blé produits à partir d'engrais constitués par les os des Algériens assassinés, soit environ 3,3 millions de baguettes de pain. Même les os du corsaire Ali Betchin Raïs à Alger, n'échappent pas à ce commerce sordide. Après l'invasion coloniale sa tombe fut profanée et ses os furent envoyés à Marseille pour l'industrie du sucre. La mosquée Ali Betchin fut transformée en Église Notre-Dame des Victoires». 1, 2

La prise de Constantine : 13 octobre 1837

La prise de Constantine, en 1837, fut un événement important marqué par une résistance acharnée des habitants. Le bey Ahmed opposa une résistance admirable, il a tenu tête pendant 18 ans. Il est connu pour avoir dirigé, avec la population locale, une résistance farouche contre l'invasion des colonnes infernales. Remarquez que pendant que les boulets, les obus, les fusées Congreve pleuvaient sur la ville, nous n'entendîmes ni le cri d'une femme ni les plaintes d'un blessé. Oui, l'attitude de la ville a été imposante, oui, tout semblait annoncer l'enthousiasme du patriotisme et de la religion. La ville sera prise dans la matinée de vendredi 13 octobre 1837. Craignant pour leur vie, de nombreuses familles constantinoises avaient choisi de fuir avec femmes et enfants à travers les falaises raides du Rocher. Beaucoup vont périr écrasés sur les rochers. Une tragédie racontée de génération en génération. On la retrouve par la voix de Seddik, le héros du livre de Malek Bennabi, «Mémoires d'un témoin du siècle». «Ma grand-mère maternelle, Hadja Zoulikha, me dira comment sa mère - Hadja Baya - et sa famille quittèrent Constantine, le jour de l'entrée des Français. Les familles constantinoises, une fois leur ville prise, n'eurent d'autre souci que de sauver leur honneur, surtout les familles où il y avait des jeunes filles. Elles durent les évacuer du côté du Rhumel, Pendant que les Français entraient par la Brèche, les jeunes Constantinoises et leurs familles quittaient leur ville en utilisant des cordes qui cédaient parfois, précipitant les vierges dans l'abîme». La bataille et ses conséquences ont laissé des cicatrices profondes dans la mémoire collective. (3)

Les enfumades des grottes, ancêtres des chambres à gaz

Cette période macabre se distingue par la mise en œuvre des enfumades. Le terme d'«enfumades» a pris son essor avec le général Cavaignac. Il s'agirait du premier usage, connu, de la guerre non conventionnelle pratiquée par une armée régulière sur le territoire algérien. Les populations annihilées, dont des femmes et des enfants, représenteraient des «tribus» entières, soit des milliers de victimes. Dans l'impossibilité de rapporter tous les assassinats meurtres, viols, vols, nous allons nous restreindre à «zoomer» sur les enfumades. Pour l'histoire et comme l'écrit Hanafi Si Larbi à propos des débuts de l'invasion coloniale : «À partir de 1832, une nouvelle ère de la colonisation commence. C'est la guerre d'extermination par enfumades et emmurements, l'épopée des razzias par la destruction de l'économie vitale, la punition collective et la torture systématique. En avril 1832, la tribu des Ouffia, près d'El Harrach, fut massacrée jusqu'à extermination. Le butin de cette démonstration de la cruauté coloniale, que le duc de Rovigo a laissé commettre, fut vendu au marché de Bab Azzoun où l'on voyait «des bracelets encore attachés au poignet coupé et des boucles d'oreilles sanglantes», comme en témoigne Hamdane Ben Athmane Khodja dans «L'Aperçu historique et statistique de la Régence d'Alger en 1833»». (4)

Les Enfumades des Sbéhas (11 juin 1844)

Le général Bugeaud, commandant en chef, conseille ceci à ses subordonnés pour réduire les partisans de l'émir Abd El Kader peuplant la région du Chélif : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéahs ! Enfumez-les à outrance comme des renards». Les extraits des lettres de Saint-Arnaud révèlent la terreur et les assassinats de masse pour coloniser l'Algérie. Saint Arnaud écrit à son frère Adolphe : «Le 15 août, il envoie à Adolphe le récit de sa propre «enfumade» des Sbéahs, Le 8 août 1845, il découvre 500 Algériens qui s'abritent dans une grotte entre Ténès et Mostaganem (Aïn-Meran). Ils refusent de se rendre. Saint-Arnaud ordonne à ses soldats de les emmurer vivants (...)» (5). «La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n'est descendu dans les cavernes ; personne... que moi ne sait qu'il y a là-dessous cinq cents brigands qui n'égorgeront plus les Français. La tribu entière compte de dix à douze mille âmes. Et peut-être ne seront-ils pas corrigés ?» (6)

Les Enfumades du Dahra (18 juin 1845)

«En 1845, le général Cavaignac avait inauguré, l'ancêtre de la «chambre à gaz», que le colonel Pellisier utilisera pour mater l'insurrection des Ouled-Riah. L'imagination déchaînée et bestiale des premières décennies de la conquête sera «très riche». On payera des spahis à 10 francs la paire d'oreilles d'un indigène, preuve qu'ils avaient bien combattu. «Un plein baril d'oreilles récoltées, paire à paire, sur des prisonniers, amis ou ennemis», a été rapporté d'une expédition dans le Sud par le général Yusuf. La conclusion du rapport de Tocqueville en 1847 est éloquente : «Nous avons rendu la société musulmane plus misérable, plus ignorante qu'elle ne l'était avant de nous connaître»». (7)

Du 18 au 20 juin 1845, le lieutenant-colonel Pélissier fait périr par asphyxie quasiment toute une tribu des Ouled Riah qui avait trouvé refuge dans les grottes dans le massif du Dahra. Ce sont entre 700 et 1200 personnes, selon les sources, guerriers, mais aussi femmes, enfants et vieillards, qui moururent. Dans son livre, P. Christian laisse la parole à un témoin : «Entendre les sourds gémissements des hommes, des femmes, des enfants et des animaux ; le craquement des rochers il y eut une terrible lutte d'hommes et d'animaux ! Le matin, quand on chercha à dégager l'entrée des cavernes, un hideux spectacle frappa des yeux les assaillants. Parmi ces animaux et entassés sous eux, se trouvaient des femmes et des enfants. J'ai vu un homme mort, le genou à terre, la main crispée sur la corne d'un bœuf. Devant lui était une femme tenant son enfant dans ses bras. Cet homme avait été asphyxié, ainsi que la femme, l'enfant et le bœuf, au moment où il cherchait à préserver sa famille de la rage de cet animal. On a compté hier sept cent soixante cadavres. Le journal anglais Times du 14 juillet 1845 écrit : «Il est impossible de réprimer la plus forte expression de l'horreur et du dégoût à propos des atrocités d'un acte commis par le général Pélissier. Ceci n'est pas une guerre mais le massacre d'une population un monstre qui déshonore son pays, son époque et sa race»». (8)

«Les états de service macabres inépuisables de Saint-Arnaud font dire à Nourredine Bennabi que rien ne distingue les faits d'armes de Saint-Arnaud des militaires allemands, avec cependant une invention qui sera perfectionnée à Dachau : les enfumades et les techniques d'emmurement version initiale des fours crématoires. Il fait parler Saint-Arnaud : «Nous sommes dans le centre des montagnes entre Miliana et Cherchell. Nous tirons peu de coups de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes (...) Nous avons tout brûlé, tout détruit...». «Que de femmes et d'enfants réfugiés dans les neiges de l'Atlas, y sont morts de froid et de misère». Et plus loin encore, (...) il y a des scènes à attendrir un rocher, si l'on avait le temps de s'attendrir un peu. (...) Et le capitaine Lafaye se désolait, comme lui, de la barbarie des troupes : nos soldats n'ont pas reculé devant «le meurtre des vieillards, des femmes et des enfants... Ce qu'il y a de plus hideux, c'est que les femmes étaient tuées après avoir été déshonorées (...). Les Arabes ne se défendent pas du tout» (23 septembre 1848). Déjà en 1845, bien avant donc Dachau et les fours crématoires, il y eut les enfumades du Dahra. Elles lui servirent d'exemple». (9)

Les enfumades du Dahra furent l'objet d'un documentaire avec le témoignage de Hadja Zohra, arrière-petite-fille d'une survivante. La culture populaire transmise de génération en génération a permis à Guerine Abdelkader de publier un recueil de poèmes «La Brûlure» qui raconte, par le biais d'un «Goual» ou troubadour, la tragédie pour porter la mauvaise nouvelle représentée par l'invasion de leur pays :

Quelques passages qui résument la tragédie de ces Algériennes et Algériens, sortis indemnes de la fournaise, et qui s'interrogent sur leur sort :

«Que veulent-ils chez nous ? Que vont-ils faire de nous ? se demandèrent bruyamment et nerveusement les uns et les autres...»

«Ils veulent poser des lois roumi auxquelles l'Arabe est bien soumis. Ils sont en route et seront-là pour faire l'enfer de l'Au-delà».

«Ils veulent la terre et le bétail. Et toi l'esclave qui obéit. Les bêtes qu'ils veulent et la volaille. Et toi, étranger dans ton pays».

«Nous étions mille et une personnes avides de paix jusqu'à l'aumône, Coincées dedans les vieilles grottes».

«Cernées d'une force qui porte des bottes, Nous étions mille et un cadavres, Virés du temps d'une vie macabre, Brûlés vivants d'un feu banal. À l'ordre bref du général». (10)

La bataille de Zaâtcha 26 novembre 1849

Épisode oublié de la conquête coloniale, la bataille de Zaâtcha témoigne de la résistance farouche que les indigènes opposèrent aux troupes françaises. «Lors de la reddition d'Abd El Kader, en décembre 1847, il réapparaît, dès 1849 à l'est, dans le sud constantinois, près de Biskra. Là, le cheikh Bouziane leva des troupes et se retrancha dans l'oasis de Zaâtcha. L'armée française, entama alors un siège, qui ne s'acheva que le 26 novembre, 1849 après un très violent combat. La répression qui s'ensuivit fut impitoyable. Le cheikh Bouziane est fusillé, ses fidèles, sa famille sont sauvagement massacrés, comme le reste de la population. «Un aveugle et quelques femmes furent les seuls épargnés», se flatte le général Herbillon dans un rapport daté du 26 novembre 1849». (11)

«Louis de Baudicour décrit les scènes d'horreur qui accompagnent la défaite indigène. «Les zouaves, dans l'enivrement de leur victoire, se précipitaient avec fureur sur les malheureuses créatures qui n'avaient pu fuir. Ici un soldat amputait, en plaisantant, le sein d'une pauvre femme qui demandait comme une grâce d'être achevée, et expirait quelques instants après dans les souffrances. Là, un autre soldat prenait par les jambes un petit enfant et lui brisait la cervelle contre une muraille». Après leur exécution, les chefs de l'insurrection sont décapités. Leurs têtes, plantées au bout de piques ou de baïonnettes, sont exhibées en signe de victoire rapporte le Moniteur algérien du 30 novembre 1849. La ville détruite de fond en comble, les mosquées renversées, les habitants massacrés, les tribus nomades furent dispersées et dépouillées, les frais de la guerre imposés, tout leur disait assez à quels maîtres auraient affaire désormais les révoltés». 11

Lalla Fatma N'Soumer

«Lalla Fatma N'Soumer perpétuant par-delà les siècles le combat de lla Kahina, a été une figure importante de la résistance des Algériennes et Algériens, notamment lors de la bataille du Haut-Sebaou en 1854. Elle a combattu aux côtés de  Cherif Boubaghla lors de la bataille du Haut-Sebaou en 1854. En 1849, accompagnée de son frère Sidi Tahar avec qui elle se rend au village de Soumeur Fatma N'Soumer entre dans la résistance et se rallie à Si Mohammed El-Hachemi. En 1850, elle soutient le soulèvement du Cherif Boubaghla venu de la région des Babors. En 1854, elle remporte sa première bataille face aux forces françaises à Tazrout connue sous le nom de bataille du Haut Sebaou. Elle dure deux mois, de juin à juillet 1854. Les troupes françaises estimées à 13 000 hommes dirigés par les généraux Mac Mahon et Maissiat sont confrontées à une forte résistance. En 1857, les troupes du maréchal Randon occupent Aït Iraten à la suite de la bataille d'Icheriden. Les combats sont féroces, et les pertes françaises considérables De leur côté, les autochtones comptent dans leurs rangs 8000 combattants armés de poignards et de sabres. Le 11 juillet 1857, Fatma est arrêtée et conduite au camp du maréchal Randon à Timesguida. Elle est emprisonnée placée ensuite en résidence surveillée où elle meurt en 1863, à l'âge de 33 ans Ses cendres sont transférées le 29 octobre vers le Carré des martyrs du cimetière d'El Alia, à Alger. Elle contribué à la lutte plus large contre la colonisation française en Algérie». (12)

L'écrasement de la Révolte de 1871, la déportation

«La révolte de 1871, a été un soulèvement majeur contre la colonisation française en Algérie. La Révolte de 1871 (des Mokrani) : Elle a débuté le 15 mars 1871, menée par  Cheikh El Mokrani et son frère  Bou-Mezrag, ainsi que par  Cheikh El Haddad, chef de la  confrérie des Rahmaniyya. Cette révolte a impliqué environ 250 tribus, un tiers de la population algérienne, et était la plus importante insurrection depuis le début de la colonisation en 1830. Elle a été durement réprimée par les forces françaises, avec de nombreux chefs de tribus déportés, notamment en Nouvelle-Calédonie. Ce qui est remarquable chez les peuples qui ne veulent pas mourir, c'est la lutte contre l'acculturation en tenant à leurs repères ; la France les a dépossédés, ruinés, déportés, tondus, mais elle n'a pas pu, malgré toutes les manœuvres, les intégrer. En vain. Plusieurs faits ont concouru à cette tragédie». (13)

«Les rares survivants de la boucherie, furent déportés. Arrachés à leur terre natale, séparés de leurs proches, déportés par convois successifs vers les bagnes du Pacifique, les déportés devaient aussi lutter contre l'acculturation, pour ne pas perdre leur âme et leurs coutumes. Les descendants ont créé, en 1969/1970, une «Association des Arabes et des amis des Arabes». Les filles de déportés ont perpétué pieusement la mémoire : «Notre mère était une grande femme ; elle était une fille rebelle aussi ; elle voulait toujours nous éduquer avec la coutume algérienne. Elle maîtrisait bien la langue de son père. Il fallait toujours qu'on soit réunis. Elle nous parlait quelques mots d'arabe. Elle en était fière et c'est comme si elle avait ce rôle de transmettre la coutume des anciens : c'était une femme autoritaire». «Chacune, à sa manière, avait le devoir de transmettre la tradition», à travers notamment «le port du foulard berbère, les plats traditionnels, les récits et les mots à consonance arabo-berbère...»».13

«La chanson «El Menfi» (Le banni) était chantée en Nouvelle-Calédonie par les déportés algériens, «Aw ki dawni la tribunal, jadarmiya kbaar wasghaar, aa wassensla tewzen qantar, 3ala dakhla haffouli raas, wa aâtaouni zawra ou payas, darbouni b3aâm wa na'haar, goulou lommi matebkeesh yal menfi waldek rabbi mayy khalleesh»». 13

«Quand ils m'ont amené au tribunal, les gendarmes grands et petits, m'ont mis une chaîne qui pèse un quintal, ils m'ont rasé la tête et m'ont donné une couverture et une paillasse. Ils m'ont condamné à un an et un jour. Dites à ma mère de ne pas pleurer, Dieu n'abandonnera pas ton fils». 12

Conclusion

De 1830 à 1871 la France utilisa toutes les techniques macabres pour briser le pays sur le plan social, cultuel et culturel. À partir de 1871, c'est la curée de la dépossession, le code de l'indigénat et la mise en coupe réglée de l'Algérie, par le vol de ses ressources archéologiques, économiques mais aussi, il fallait avoir à disposition une force pour aller se battre pour la France sur 8 théâtres d'opération. Ce sont ces mêmes bougnoules qui sauvèrent la France notamment avec le département de Provence, qui revenant au pays, trouvent une répression sanglante d'autres Algériens, coupables de défiler avec le drapeau de l'Algérie. Nous verrons que le peuple algérien a payé du tiers de sa population l'aventure coloniale française, puis payé, un siècle après, du sixième de la population, l'entêtement et l'acharnement français à se maintenir en Algérie. Dans les prochaines contributions nous verrons par exemple comment pendant la glorieuse Révolution de Novembre, les enfumades, furent reconduites par des gaz de combat avec en prime le largage des bidons spéciaux (napalm).

Gloire aux Martyrs ! Bonne fête aux Algériennes et aux Algériens et que nul n'oublie le calvaire des Algérien(ne)s !

 Professeur Chems Eddine Chitour

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